Introduction

Dans ce troisième volet nous allons nous pencher d’une part sur la principale technique d’enregistrement utilisée en guitare (métal) et d’autre part sur une technique d’égalisation élémentaire constituée par l’utilisation de deux filtres : les filtres passe-haut et passe-bas.

Close miking

La principale technique d’enregistrement employée pour les guitares saturées consiste à placer un micro de manière très proche du haut parleur de guitare : de 0 centimètres à quelques centimètres. Ils peuvent être positionnés de manière perpendiculaire au haut-parleur au être plus ou moins inclinés (angle de quelques degrés jusqu’à 45 degrés généralement).

Prise de son de proximité

Cette technique permet de capter un ensemble de fréquences particulier en fonction de la position du micro en jouant sur deux caractéristiques :

  • la très forte directivité des hauts-parleur lorsque l’on s’en approche (aigus plus présents au centre et à proximité du HP car moins dispersés)
  • d’utiliser l’effet de proximité des micros: cet effet augmente le niveau de captation des fréquences basses à mesure que le micro est approché du HP (distance en générale inférieure à 25 à 30 centimètres environ).

Dans ces conditions, un faible changement de position a une incidence très forte sur l’équilibre de l’enregistrement : cela a constitué et constitue encore le premier moyen de faire une “égalisation” du son en choisissant telle ou telle position.

Note : d’un HP à l’autre et d’un micro à l’autre on obtient des résultats très différents pour une même position.

Cette technique est utilisée dans de nombreux cas de figures, pour différents instruments et amplis ou pour la voix : elle permet notamment d’isoler le signal du bruit ambiant et d’éviter les effets de réverbération, et elle permet également d’isoler les instruments entre eux.

La captation des IRs est soumise aux mêmes principes et les fournisseurs d’IRs proposent des ensembles de positions de micro plus ou moins variés pour permettre aux joueurs de disposer de toute une palette de sons. Pour les amateurs de sons saturés, les effets extrêmes se combinent : l’équilibre de fréquences obtenu à travers une IR en close miking est poussé à l’extrême par la distortion et les harmoniques associées générées par un ampli. En jouant en clean, on perçoit également de forts changements de rendu en changeant de HP/micro/position mais c’est généralement beaucoup moins spectaculaire ou extrême.

La figure ci-dessous présente les noms usuels des zones du haut parleur, et -par extension- les noms fréquemment utilisés pour désigner les différentes positions d’enregistrement:

Les termes employés désignent :

  • la capsule centrale ((dust) cap, capsule anti poussières)
  • le bord de la capsule centrale (cap edge)
  • le cône du haut-parleur (cone)
  • le bord extérieur du cône (cone edge)

Le micro est considéré sur l’axe (on-axis) lorsqu’il pointe la zone cap, et hors axe pour les autres positions (off-axis). Si le micro est perpendiculaire au HP il est dit “straight on axis”, sinon il est positionné selon un angle (“angled”)

Certains fournisseurs d’IRs peuvent utiliser ces termes pour nommer leurs fichiers. Par ailleurs ils peuvent être utiles pour comprendre les positions utilisées et expliquées dans de nombreuses vidéos et tutoriels.

La figure ci-dessous présente l’impact du positionnement sur le rendu obtenu à l’enregistrement:

Le placement vers le centre produit plus d’aigus, le placement vers l’extérieur produit moins d’aigus et un résultat plus sombre. Une distance faible permet au micro de produire plus de basses, l’éloignement diminue les basses.

CABs, hauts-parleurs et micros

Le comportement de ce trio se retrouve capté au sein des IRs. Chaque maillon va contribuer au rendu :

  • Le type de CAB, son volume et l’implantation des HPs
  • Le haut-parleur, avec son rendu spécifique
  • Le micro et sa position qui vont très fortement colorer le résultat

Le haut-parleur est bien sûr prépondérant et donne une coloration spécifique: après-tout, c’est exactement ce que l’on demande à un HP guitare 😉 ! Si vous êtes un guitariste métal ou rock, alors vous savez déjà que l’offre est massivement dominée par Celestion et son modèle Vintage 30 (V30). Mais Celestion propose par ailleurs de nombreux autres modèles très intéressants et s’il est difficile ou couteux de disposer de plusieurs CABs ou de changer les hauts-parleurs de son CAB, il devient beaucoup plus facile de les mettre en oeuvre grâce aux IRs. D’autres fournisseurs valent aussi le détour, et on pourra citer pour les guitares saturées:

  • Eminence
  • WGS
  • Jensen

Le CAB impacte également la captation : les rendus des 1*12, 2*12 ou 4*12 sont différents -ce qui se comprend facilement du fait de volumes différents et donc d’une capacité à fournir des basses de manière plus ou moins conséquente-, mais, d’un fournisseur à l’autre, les équilibres changent également pour un même haut-parleur utilisé, et ce de manière assez prononcée pour la guitare saturée.

Enfin, le micro, dont la signature sonore est un élément majeur dans la captation et le rendu final. Les micros fréquemment utilisés pour la création d’IRs de guitare sont les suivants :

  • Le Shure SM57 et ses nombreux clones
  • Le Sennheiser MD421
  • Les Sennheiser E906 et E609
  • Le Beyer Dynamic M160
  • L’AKG C414
  • Le Royer 121
  • Le Neumann U87

…et il existe par ailleurs une offre pléthorique de micros utilisables chez ces marques et d’autres marques (Audix, Audio Technica, Electro Voice, …). Le rendu en fréquences est spécifique à chaque modèle.

Quelques exemples de positions

La chaine du signal sera -pour le premier exemple- basée sur un enregistrement et non une IR, pour illustrer les différences obtenues :

  • DiMarzio Dominion Bridge
  • Maxon OD-808
  • IRT 60 – canal lead
  • Fatboy Celestion V30
  • Shure SM57 sur l’axe
  • Pas de filtre, égalisation ou post-traitement

Le CAB utilisé est donc un 2*12 Zilla Fatboy, qui ressemble à celui-ci:

Le choix du Dominion n’est pas neutre, il permet par design de limiter les aigus et d’obtenir d’emblée un son plus équilibré qu’avec d’autres micros : il est plus facile à enregistrer sans correction.

Note : pour percevoir les différences de manière flagrante, il est préférable d’écouter les exemples avec des intras, un casque ou des moniteurs pas trop colorés, plutôt que sur des HP intégrés d’ordinateur, tablette ou téléphone.

Dominion bridge – DropD – V30 Cap Edge 0,5 cm

Dominion bridge – DropD – V30 Cone 3 cm

Dominion bridge – DropD – V30 Cap 3 cm

Dominion bridge – DropD – V30 Cap 3 cm right / Cone 3 Cm Left

Sur ce dernier exemple, la différence de rendu est assez flagrante, avec plus d’aigus sur l’enregistrement plein centre (“cap”). Un égaliseur graphique va également montrer la différence (courbe rouge = canal droit) :

Cap en rouge, Cone en blanc

La vidéo suivante est également très instructive : elle illustre le son obtenu par différentes positions d’enregistrement, avec un SM57:

Les exemples ci-dessous utilisent des IRs pour illustrer les changements de positions et la différence de rendu engendrée.

La chaine du signal est la suivante :

  • EMG 81
  • DI Carte son
  • Plug-in Mercurial TSC 808
  • Plugin Ignite Emissary, canal lead
  • Two-Notes Wall of Sound
  • IR Fatboy V30 Overdriven.fr

Pas de post-traitement ou d’EQ sur ces premiers exemples, ils sont bruts.

Exemple de réglages :

Réglages Mercuriall TSC 808
Réglages Ignite Emissary

Voici 4 positions avec le V30 et le SM57. Les IRS utilisées font la part belle au aigus et n’ont pas une partie basse très importante, d’ou les réglages de l’ampli ci-dessus.

EMG81 bridge – Standard – V30 SM57 Dust cap 1 cm

EMG81 bridge – Standard – V30 SM57 Cap Edge 1 cm

EMG81 bridge – Standard – V30 SM57 Cap Edge 3,5 cm

EMG81 bridge – Standard – V30 SM57 Cone 1 cm

Bilan: on reconnait les riffs mais cela reste assez pâteux en bas du spectre et dur dans le haut du spectre : on sent le manque de définition et de précision, et les aigus sifflent. On peut bien sûr essayer de corriger l’égalisation de l’ampli pour obtenir un meilleur résultat mais si on estime que l’équilibre obtenu est celui recherché, on peut aussi commencer à travailler sur l’équalisation de la prise de son, quite à faire quelques itérations égalisation ampli / égalisation de l’IR. Pour commencer et avant de modifier les autres fréquences, j’utilise deux filtres élémentaires qui peuvent changer assez radicalement le rendu : les filtres HPF et LPF.

HPF et LPF

Les filtres passe-haut (High-pass filter ou Low cut) et passe-bas (Low Pass Filter ou High-Cut) sont très importants sur les enregistrements de guitares électriques, et notamment pour les sons saturés.

  • Low-cut permet de réduire les fréquences basses pour éliminer ou diminuer la résonances des graves : on l’emploie généralement pour dégraisser le bas du spectre et gagner en précision. Il est assez souvent placé dans la zone 60 à 90 hz, mais on peut trouver des situations ou on peut avoir besoins de le placer plus haut (120-140 HZ).
  • High-cut permet d’éliminer ou réduire la dureté et les sifflements des aigus. On considère assez souvent pour la guitare qu’un placement à 7500 Hz est idéal. Dans la pratique et en fonction du rendu, il peut être descendu (par exemple à 5500 ou 6500 HZ) ou placé un peu plus haut (8000 Hz, 10000 Hz par exemple, assez rarement au dessus).

L’utilisation de ces filtres peut modifier de façon très importante l’équilibre sonore final : réduire les basses provoque la remontée des médiums et des hautes fréquences dans le son, réduire les aigus remonte la perception des basses et médiums. Ce changement d’équilibre va permettre de faire mieux ressortir le mix de fréquences avec un son débarrassé des résonances et sifflements : la perception va s’en trouver généralement grandement améliorée. Ce changement peut vous amener à corriger à nouveau différents maillons de votre chaines (overdrive, ampli,…).

Certains chargeurs de réponses impulsionnelles incorporent le low-cut et le high-cut. Sur un chargeur logiciel, on peut aussi utiliser des plugins d’égalisation, dédié ou non à cette tache et que l’on placera post-chargeur de réponse. Attention, ces filtres peuvent avoir des rendus différents en fonction des pentes employées (12-18-24-36 dB/octave) et ils auront un effet de coupure plus ou moins agressif. Les chargeurs au format pédale tels que celui de Mooer ou de Two-Notes disposent de HPF et la Mooer dispose également d’un LPF.

Les exemples suivants mettent en oeuvre le plugin FabFilter ProQ2 placé après le chargeur Two-Notes. Il s’agit des deux des exemples précédents sur lequel on applique les deux filtres : faites des écoutes A/B, vous devriez percevoir les différences.

Sur le premier exemple, le signal d’origine ressemble graphiquement à ceci:

EMG81 bridge – Standard – V30 SM57 Dust cap 1 cm

Sur cet exemple, on place un low-cut à 70 HZ (24 dB/oct) et un high-cut à 5800 Hz (36 dB/oct) car l’IR présente beaucoup de sifflement dans les aigus.

EMG81 bridge – Standard – V30 SM57 Dust cap 1 cm avec HPF et LPF

EMG81 bridge – Standard – V30 SM57 Dust cap 1 cm

EMG81 bridge – Standard – V30 SM57 Dust Cap 1 cm – HPF et LPF

Le son devient plus équilibré et beaucoup moins dur que sur l’original sans les filtres. Ce n’est pas encore cela car il reste encore de la dureté et des parasites : on peut régler l’ampli/l’overdrive pour notamment ajuster le gain, corriger plus finement certaines fréquences, ou peut-être changer pour une autre IR qui sera plus adaptée au résultat recherché.

Sur l’exemple Cap Edge 1 cm, on place un low-cut à 90 HZ (24 dB/oct) et un high-cut à 6500 Hz (36 dB/oct).

EMG81 bridge – Standard – V30 SM57 Cap Edge 1 cm
EMG81 bridge – Standard – V30 SM57 Cap Edge 1 cm – HPF et LPF

L’extrait d’origine est celui-ci:

EMG81 bridge – Standard – V30 SM57 Cap Edge 1 cm

La version filtrée est ci-dessous :

EMG81 bridge – Standard – V30 SM57 Cap Edge 1 cm HPF et LPF

Constat identique au précédent : l’équilibre est fortement modifié, mais le résultat présente encore pas mal d’imperfections et nécessite encore du travail pour pouvoir l’utiliser en practice ou en enregistrement.

Note: on a utilisé ici des positions aux rendus assez extrêmes , très chargées en aigus pour mettre en évidence le rôle des filtres. Un changement vers une autre IR off-axis un peu plus vers l’extérieur du cône permettrait de trouver des sonorités plus adaptées et une solution plus simple pour ces aigus très présents.

Conclusion

Les techniques d’enregistrement présentées ici sont appliquées lors de la création des IRs afin d’offrir un ensemble de choix au guitariste ou à l’ingénieur-son . Les IRs sonnent rarement d’emblée tel qu’on pourrait le vouloir (chacun ses sonorités préférées !), et la première mesure de correction que je vous invite à considérer est l’emploi des deux filtres présentés dans cet article. Le prochain article traitera de l’utilisation de pédales de préamplificateur avec les IRs.

Note : les riffs et cover partiels présentés ici en exemple le sont à des fins éducatives (utilisation d’amplificateurs et de réponses impulsionnelles ). Ces riffs et morceaux demeurent la propriété des détenteurs des droits d’auteurs.