Kemper n’a eu de cesse de faire évoluer le firmware du KPA au fil des ans et a ainsi -petit à petit- étoffé et amélioré les possibilités de son système. En 2023, une mise à jour majeure à été rendue disponible : elle comprend l’ajout du « Liquid Profiling », une fonctionnalité qui améliore drastiquement les résultats obtenus lorsque l’on ajuste le gain et que l’on configure la tone stack des profils.

Les profils Kemper : rappels

Dans la première partie, nous avons présenté et discuté les trois types de profils utilisables avec le Kemper : les profils studio, les profils d’amplificateurs et les profiles fusionnés (merged profiles). Quelle que soit l’approche utilisée -et qu’a la fin vous utilisiez un profil studio, un profil d’ampli simple sur lequel vous aurez configuré une IR ou un cab provenant d’un autre profil ou encore un merged profile-, le son du Kemper repose sur deux blocs principaux : le bloc « amplificateur » et le bloc  « cabinet ». Le bloc amplificateur regroupe un nombre important de paramètres pour ajuster et peaufiner le son obtenu, à commencer par les classiques réglages de basse, medium, aigus, gain et présence. C’est cet ensemble de paramètres qui est généralement utilisé pour configurer l’équivalent numérique de la  « tone stack » d’un  amplificateur (littéralement pile de tonalité ou réglages de tonalité).

Generic tone stack

Pendant une dizaine d’années (un assez long moment dans le monde digital !!), le Kemper a disposé d’une seule et unique tone stack, que l’on peut qualifier de tone stack générique -ou universelle- : les fréquences et plages de réglage des basses, médiums et aigus sont prédéfinies et agissent de manière similaire, quel que soit l’ampli capturé et actif dans le bloc amplificateur… De la même manière, le contrôle de gain agit en utilisant toute la plage de gain disponible sur le Kemper. Elle permet d’ajuster les sons des profils de manière efficace, à condition de ne pas s’éloigner de manière trop importante du profil d’origine : ainsi des ajustements de -1 / -1,5 et +1 / +1,5 sur les basses / mediums / aigus et un ajustement du gain donneront généralement d’assez bons résultats et permettront de configurer le profil selon ses gouts, ses micros de guitare et son tuning…. Une approche que l’on pourra compléter si on le souhaite par l’utilisation des paramètres plus avancés du bloc amplificateur et par l’ajout et le réglage d’overdrives et de boosts en amont de ce même bloc amplificateur…

Un profil “classique”, sans ajustement de la tone stack, tel que capturé

Si des réglages plus extrêmes peuvent être appliqués et peuvent donner dans certains cas des résultats intéressants et exploitables, le son obtenu n’est plus vraiment raccord avec le modèle capturé et les caractéristiques originales du son produit par l’ampli original. Le profil Kemper va s’éloigner du son authentique de l’ampli et le son du profil n’aurait probablement pas pu être obtenu sur le véritable ampli sans retraiter de façon importante la sortie de l’ampli ou sans appliquer des corrections importantes (EQ, compresseur,…)*…

Du fait de ces limitations, la communauté des utilisateurs et les créateurs de profils ont eu tendance à considérer que les modifications apportées aux profils devaient rester modérées,  et ce afin de conserver le caractère authentique et l’équilibre du son capturé. Au passage, cela a eu tendance à conférer un caractère statique aux profils Kemper, en incitant les utilisateurs à capturer et accumuler de multiples combinaisons de réglages afin d’obtenir plusieurs « clichés » authentiques d’un ampli donné (capture des « sweet spots », capture avec des boosts et overdrives….)….

A l’opposé, les partisans et utilisateurs des modeleurs traditionnels disposent de simulations qui s’attachent aussi à reproduire le son d’un ampli donné (cela peut aussi être de pures créations digitales et originales) et qui essaient également de reproduire la plage de réglages et le comportement de la tone stack originale : dans ce cas, c’est à l’utilisateur final de composer et de régler son propre son, en utilisant les différents contrôles mis à sa disposition, avec plus ou moins de réalisme et de fidélité au modèle d’ampli original….

*Note : cela pourra choquer les plus puristes et ceux/celles qui accordent une grande importance à la fidélité à l’original du son obtenu avec le KPA, mais notons que ce n’est pas forcément si grave ou si gênant: à partir du moment ou vous obtenez le son qui vous satisfait, peu importe -à mon avis- que vous ayez obtenu ce son en utilisant des paramètres qui sont « réalistes «  ou non…. : les techniques de traitement -EQ, compression,…-appliquées lors de l’enregistrement ne s’embarrasse pas nécessairement de ce genre de considérations, et donne la priorité à des choix artistiques et sonores, par exemple lors des phases de mix….

Liquid Profiling

La proposition de Kemper avec le Liquid Profiling est de faire évoluer cet aspect et d’ajouter une approche de type modélisation à celle du profiling : on va pouvoir configurer le profil d’un ampli capturé avec une tone stack modélisée par Kemper, cette modélisation étant basée sur un ampli ou une série d’amplis donnée. Cette tone stack associée au profil Kemper va modifier la plage de gain disponible, elle va également impacter le comportement du contrôle de présence et elle va ajouter un paramètre affectant la clarté du son en définissant une valeur pour le condensateur de brillance (« bright cap »). Elle va aussi apporter un paramétrage spécifique des fréquences affectées par les contrôles basses, mediums et aigu avec une plage de réglage plus fidèle à l’original. L’idée principale étant qu’en ajustant ces contrôles, on se retrouve face à un comportement et un résultat beaucoup plus proche et beaucoup plus fidèle à l’ampli original : l’utilisateur va alors pouvoir configurer son profil de manière plus réaliste, en utilisant -si il le souhaite-, des valeurs plus importantes dans les différents réglages disponibles, à la façon des modeleurs classiques.

Les tone stacks se positionnent dans la chaine de tonalité selon le modèle d’ampli modélisé en utilisant un des deux emplacements disponibles : “pre” pour les amplis de conception ancienne et “post” pour les amplis modernes, où la tone stack est positionnée entre le pré-ampli et la partie ampli de puissance. Et notez enfin que pour une tone stack donnée, les contrôles disponibles peuvent changer par rapport à la stack générique : par exemple disparition du contrôle de médium (cas d’un Fender, comme sur la copie d’écran ci-dessous) ou apparition d’un contrôle « cut » (contrôle spécifique d’un Vox AC30) :

Modèle Fan D’Lux : pas de medium ni de présence

Voice Ace 30 : pas de medium, ajout d’un contrôle “cut”

Lors de la capture, le KPA reconnait le niveau de gain de l’amplificateur et positionne le gain du modèle obtenu, à travers les paramètres “gain” et “generic gain”. Lorsqu’un profil d’ampli est sélectionné (ci-dessous un PV 5150), la plage et le comportement du contrôle de gain est amélioré et affinée.

Gain et generic gain

Le Liquid Profiling, pour sa première mouture, à rendu disponible un nombre impressionnant de modèles d’amplificateurs “classiques” :

Liste de modèles dans Rig Manager

Cette liste comprend également un modèle “Mebo Duel Rect Red”, 4 profils “Sold” et un profil “P.V. 5150”.

Capture “liquide” et résultats

Il existe plusieurs approches pour mettre en oeuvre le Liquid Profiling : 

  • on peut créer un nouveau profil Liquide avec l’ampli configuré « tout à midi » ou sur un sweet spot, en sélectionnant le modèle d’ampli parmi la liste des amplis disponibles et en reportant les réglages de l’ampli dans le profil (gain, basses, mediums, aigus) 
  • on peut associer et ‘graver’ une tonestack sur un profil existant (« graver » est le terme utilisé par la documentation officielle en Français pour traduire l’opération de « burn-in ») . C’est une configuration de la tonestack a posteriori. 

La documentation du Kemper délivre un ensemble de conseils intéressants pour la création de ces captures et décrit les stratégies possibles pour configurer l’ampli source dans ce contexte (sensibilité et réglages des potentiomètres, réglage du gain,…).

A l’arrivée, j’ai trouvé le rendu très convaincant et l’implémentation très réussie : j’ai eu l’occasion de tester quelques modèles disponibles à travers la section Rig Pack du Rig Manager et d’expérimenter directement avec des captures de mon Peavey 6505 sur lequel je configure une stack Kemper « Pea V 5150 » (en clean, crunch et lead).  Dans mon cas, j’utilise plutôt des captures directes de l’amplificateur -profils que je trouve plus précis que les captures de type « studio » ou full rig- . Je complète ensuite ces profils en piochant dans ma collection d’IRs. En général, j’ajoute à ce type de configuration l’une des -excellentes !!- simulations d’overdrive disponibles sur le Kemper (une 808 ou une precision drive par exemple). La tone stack simulée du 5150 m’a semblé très réaliste, et le réglage de gain beaucoup plus raccord avec les possibilités et avec le rendu réel de l’ampli. La configuration de ces paramètres sur le bloc ampli permet dorénavant d’aller modifier très significativement l’équilibre et le type de son recherché et on peut donc utiliser son Kemper à la façon d’un modeleur conventionnel, type Helix, ou presque, puisque la matière première reste le profil sous-jacent … On va ainsi pouvoir fabriquer son propre son à partir du profil utilisé, et ce de manière beaucoup plus souple et plus large qu’avec les profils Kemper conventionnels. Cela permet beaucoup plus de liberté et de bien mieux s’adapter au son fourni par l’IR ou le cab sélectionné…. : on pioche un cab, un ampli, une overdrive et d’autres effets si on le souhaite, et on a la possibilité d’aller configurer l’ampli de manière très fine et très réaliste : niveau de gain, basses, médiums, aigus, présence, clarté/brillance…. Une vraie révolution pour les utilisateurs Kemper, habitués à peu retoucher leurs profils pour en conserver l’équilibre d’origine. Notez que l’on reste tributaire de la qualité du profil utilisé et que l’ensemble des autres paramètres avancés du Kemper demeurent utilisables (definition, sag, compression, bias, etc…) et -attention ! 🙂 – : une large partie du son obtenu dépend du cab ou de l’IR retenu … C’est l’association ampli-cab qui donne le résultat final, que le profil soit de type Liquid ou conventionnel….

On peut également s’amuser à transformer un ampli en un autre ampli, ou plutôt appliquer une tonestack de son choix à un ampli différent : on peut par exemple appliquer une tonestack Mesa à un Marshall, ou une tonestack Fender à un Soldano…. : tout est possible et l’utilisateur peut expérimenter à loisir !

Pour illustrer l’approche et les résultats, je vous propose quelques videos sur le Liquid Profiling, en complément de l’article : 

Conclusion

En mariant l’approche par capture à l’approche par modélisation, Kemper continue à innover et propose à travers le Liquid Profiling une évolution majeure et réussie pour le Kemper. On obtient la une solution qui marie le meilleur des deux mondes -profiling et modélisation- et qui permet de conserver le caractère original du son capturé tout en offrant une plus grande souplesse pour configurer son propre son. J’ajouterai que le clone numérique obtenu ainsi est -à mon avis- bien plus malléable et bien plus facile à dompter que l’ampli original l’expérience restant conditionnée par la qualité/adéquation du profil capturé, selon le bon vieux principe du garbage-in, garbage-out).
Plus de 10 ans après son lancement, le Kemper fait donc sa révolution et reste parmi les solutions les plus complètes et abouties pour obtenir des sons de guitare d’une grande variété et d’une très haute qualité. Si vous étiez rebuté à la perpective d’empiler des milliers de profils et par la difficulté de composer votre propre recette sonore, vous pourriez être maintenant agréablement surpris par les possibilités offertes par cette nouvelle approche.