Cet article de blog propose une introduction aux techniques d’égalisation appliquées aux IRs (réponses impulsionnelles), et ce principalement pour les sons métal ou fortement saturés. J’y partage ma petite expérience et mes pratiques d’égalisation lors du jeu en standalone, pour l’entrainement ou pour le plaisir, avec les égaliseurs « classiques » fournis avec des chargeurs d’IRs tels que le Two-Notes Torpedo Wall of Sound, la pédale Mooer Radar ou encore le Two-Notes Torpedo CAB M. 

SPOILER ALERT : si vous avez déjà un petit peu d’expérience avec les techniques d’égalisation, vous n’apprendrez probablement pas de truc ou de technique extraordinaire dans cet article… Et ce d’autant plus que j’essaie d’utiliser la plupart du temps l’égalisation de manière très modérée, voire de l’éviter 🙂

Introduction

Pour commencer, rappelons que votre overdrive, ampli et enceinte de guitare sont les composants majeurs qui définissent le son que vous obtenez « dans la pièce », lorsque vous utilisez un matériel classique (avec une enceinte guitare classique).

Lorsque vous utilisez des réponses impulsionnelles, à l’aide d’un chargeur d’IRs, vous ajoutez un microphone dans l’équation et vous allez vous retrouver à travailler avec l’ équivalent d’une prise de son: cela va évidemment profondément impacter le rendu. 

Les chargeurs de réponses impulsionnelles embarquent très souvent des fonctionnalités de configuration (par exemple la position des micros) et un ou plusieurs égaliseurs pour appliquer des corrections au son obtenu.

Egaliser avec une réponse impulsionnelle revient à appliquer une égalisation sur une prise de son : cette égalisation s’applique sur le résultat final, à l’inverse d’un changement de basse ou de medium sur votre ampli ou votre pédale, correction qui se situe en amont de l’enceinte. Les corrections s’appliquent donc au signal « final » et vont pouvoir être plus amples ou plus précises que celles obtenues en amont dans la chaine du signal (ampli, pédale,…). Elles vont aussi pouvoir appliquer des formes de corrections plus complètes ou plus sophistiquées que celles obtenues généralement avec le matériel classique d’amplification (filtres passe haut, filtres passe bas, nombre et amplitudes des fréquences corrigées…), en tout cas si on compare ces techniques d’égalisation à celles disponibles avec un matériel de guitariste « standard » (overdrive, ampli, enceinte).

Cette égalisation avec les IRs s’appliquent donc sur le son final, après l’enceinte et la captation par le microphone. 

La figure suivante présente les réglages d’égalisation que l’on peut typiquement utiliser avec un matériel classique : j’ai ajouté un égaliseur dans la boucle d’effets de l’ampli, une technique que l’on peut utiliser pour obtenir des résultats plus fins ou simplement inaccessibles avec les réglages standards d’un ampli (à chaque concepteur d’ampli ses choix en matière d’égalisation : la largeur des corrections, l’amplitude des corrections, le choix des centres de fréquences basses, médium et aigus…) : 

Egalisation avec ampli et enceintes classiques

Dans une configuration utilisant les réponses impulsionnelles, les corrections offertes peuvent être plus fines, plus larges, ou encore utiliser des filtres plus difficilement reproductibles en amont d’une véritable enceinte de guitare (par exemple un filtre HPF).

Note : en abaissant les fréquences basses d’un égaliseur placé dans une boucle d’effet, on peut toutefois s’approcher d’un résultat similaire à celui obtenu via l’application d’un HPF.

L’égalisation avec les IRs est similaire à l’application d’une égalisation sur une guitare enregistrée : 

Egalisation sur enregistrement

L’utilisation d’un chargeur d’IR vous permet de bénéficier de cette égalisation en temps réel, sur votre jeu de guitare, en direct : 

Egalisation avec un chargeur d’IR

Egalisation et IRs

Les fonctionnalités d’égalisation dépendent directement du chargeur d’IR que vous utilisez, hardware ou software. Si vous utilisez un chargeur logiciel dans une STAN, vous pouvez utiliser les plugins d’égalisation disponibles avec votre logiciel ou des plugins customs que vous aurez installé par ailleurs. Dans ce cas, les possibilités deviennent quasi-illimitées : il existe pléthore d’égaliseurs et certains offrent des possibilités de corrections très sophistiquées. Si vous utilisez une telle configuration pour jouer/pratiquer, prenez simplement garde à la latence qui pourrait être introduits par vos plugins, ou de leurs impacts éventuels sur la phase de vos sons saturés (impacts qui peuvent être plus ou moins intéressants ou désirables).

Dans la suite de cet article, je m’appuie sur des égaliseurs plus simples, tels que ceux embarqués dans les solutions de Two-Notes ou par Mooer dans la pédale Radar (ce sont des égaliseurs paramétriques ou semi-paramétriques).

Chargeurs d’IRs et égaliseurs

Note : un égaliseur paramétrique permet de définir la fréquence centrale d’une correction, de définir la largeur de bande (largeur de la correction ou facteur Q) et le gain à appliquer en plus ou en moins sur cette plage de fréquences.  Un égaliseur semi-parametrique ne permettra pas -par exemple- de fixer la largeur de la correction mais permettra de changer les centres des bandes et le gain. Les égaliseurs à bandes fixes sont -eux- encore plus simples : centres et largeurs de bandes sont prédéfinis, on jouera simplement sur le gain.

Contexte et intention !

Penchons-nous sur le cas des sons saturés à la guitare. Chaque fois que vous allez utiliser des corrections d’égalisation, vous le ferez dans un contexte donné : par exemple jouer ou pratiquer en solo, ou enregistrer et mixer, ou jouer avec d’autres instruments…

Vous appliquerez aussi ces égalisations en utilisant un matériel donné : par exemple une enceinte de monitoring ou un casque. Les techniques et outils d’égalisation seront les mêmes, mais vos choix pourront être assez différents : jeu en solo ou jeu avec d’autres instruments (compétition dans l’espace sonore/distinction des différents instruments/clarté), jeu à volume modéré, ou jeu à volume de live ou ou de répétition…

Potentiellement, vous pourrez être amené à adapter vos choix d’égalisation si vous changez d’enceintes, ou de casque, ou simplement de volume (rendu différent à volume élevé : par exemple des ajustements pour une exagération ou un manque de basses…). Avec les IRs, vos enceintes ont aussi de l’importance car elles imposent souvent une certaine couleur, un certain rendu : même les plus « neutres » ou les plus « flat » auront besoin de corrections pour obtenir le résultat recherché….

Et enfin,  vos micros de guitares, votre style de jeu, et le genre musical entreront aussi en ligne de compte : faire sonner des accords de hard rock peut vous amener à faire des corrections différentes d’un joueur de metal rapide ou technique. Jouer en tuning standard avec des micros actifs peut vous amener à muscler le bas du spectre pour obtenir une bonne résonance de vos palm-mutes… Inversement, si vous jouez en down tuning à la Meshuggah, vous rechercherez plus de clarté dans le bas du spectre, sous peine de voir le F# de votre huitième corde disparaitre dans un brouillon de basses…

Un mot sur les plages de fréquences

Pour pouvoir parler d’égalisation, il est intéressant de se pencher sur les différentes parties du spectre sonore et de décrire leur rôle/leur contribution dans le son obtenu…

Voici comment j’ai l’habitude de découper le spectre sonore, pour la guitare saturée… (vous pourrez trouver des définitions différentes en fonctions des interlocuteurs et de leurs habitudes 😉 ) : 

Bandes de fréquences pour la guitare (saturée)

Les bandes débordent les unes sur les autres sur le schéma : on souligne ici que ces définitions ne sont pas strictes et que chacun peut avoir une idée un peu différente de leurs positions et largeurs…

Pour la guitare saturée, essayons de décrire l’impact ou la contribution de ces bandes :  

  • Sub-lows (extreme grave) : résonances et grondements dans cette plage, c’est plus la place d’un kick de batterie (40 Hz) ou d’une guitare basse. En son saturé / métal, cette partie est fréquemment diminuée ou coupée à l’aide d’un filtre passe haut (HPF). Cela pourra aussi dépendre des hauts-parleurs utilisés : des petites enceintes  peuvent ne reproduire que très partiellement cette partie du spectre… Lorsqu’elle est trop élevée, cette partie amène de la résonance et on perd en précision / clarté.
  • Lows (graves) : section critique pour la guitare métal : on l’ajuste souvent à l’aide d’un HPF pour diminuer la résonance, en le plaçant de manière à obtenir le « juste » niveau de résonance ;).  Si cette section est trop mise en avant, on peut aboutir à un effet de masque qui va prendre le pas sur l’ensemble du son obtenu : sombre et assourdi, avec un manque de définition, de clarté, qui vont rendre difficile la perception du jeu. Pour des IRs très généreuses dans la bande 100-250 Hz, on peut -en plus d’un HPF- diminuer le gain de cette bande. Des hauts-parleurs ou enceintes de guitares différents peuvent produire des sections graves très différentes : dans certains cas, c’est la bande 100-120 Hz qui pourra être très prononcée, dans d’autres cas c’est autour de 200 Hz que l’on pourra avoir un niveau plus important. Cela se retrouvera dans le rendu des IRs.
  • Low-Mids (medium bas) : « corps » de la guitare. Trop faible : cela se traduira par une manque de présence et de définition. Tendance à sonner comme une « boite en carton » si ils sont trop prononcés.
  • Mids (medium): Trop de mediums se traduira également par un son « boite en carton » ou « radio » (ce qui peut aussi convenir à certains styles). Trop faible, et le son sera trop creusé : manque de definition, d’articulation. Se ressentira plus sur des notes isolés ou le déséquilibre provoqué par un son trop creusé vous fera remarquer que vos notes sont « fines » et  manquent de punch et de sustain.
  • Hi-mids (hauts-mediums) : une partie importante de  la distortion et de l’aggression des sons saturés se produit à partir de cette zone. Le gain et la distorsion ont généralement un impact fort dans ces fréquences que nous percevons de manière importante (harmoniques). Trop faible : le son est plus sombre, plus fort : le son est plus présent, plus aggressif. Trop élevé : le son peut devenir trop brillant et fatiguant.
  • Highs (aigus) : assez similaire à la bande précédente.  Risque d’obtenir des effets pic-à-glace ou sifflements lorsque cette zone est trop prononcée.
  • Presence/air : cette zone peut poser problème ou non…. Beaucoup de hauts-parleurs de guitare voient leur réponse en fréquence chuter très fortement à partir de 5, 6 ou 7 kHz. Avec des IRs, le niveau de cette bande est également lié au microphone utilisé (avec sa propre réponse en fréquence), à la position d’enregistrement et aux éventuelles corrections/filtres utilisés lors de la capture de l’IR. On corrige généralement cette bande avec un filtre LPF (passe bas) ou un filtre en plateau (souvent en diminuant le gain).

Avant d’essayer d’appliquer une quelconque égalisation, j’essaye -à titre personnel- de passer par ces différentes étapes : 

  • Si le résultat est beaucoup trop sombre ou beaucoup trop aigu, j’essaye directement avec une autre IR du même haut-parleur et du même microphone, si une autre position est disponible.
  • Ajustement de la tonalité sur l’ampli et/ou les pédales (réglages bass/mid/treble de l’ampli, tonalité de l’overdrive, presence, gain)
  • Ajustement des paramètres de la simulation de l’ampli de puissance si j’utilise une pédale : ce paramètre peut changer très fortement le son obtenu…et donc changer les choix d’égalisation….

Puis, si besoin, je commence à appliquer des corrections d’égalisation.

Cloche, plateau, HPF, LPF

Les égaliseurs permettent en général d’appliquer des corrections du type :

  • Bell (cloche) : la forme de correction la plus courante
  • Shelf (plateau) : utilisé plutôt à l’extrémité haute et basse du spectre sonore, moins extrême que les filtres HPF et LPF, souvent considérés comme plus musicaux/plus doux
  • Filtres passe-haut et passe-bas : HPF et LPF
Cloche (bell)
Shelf (plateau): high pass (ou low shelf)
Shelf (plateau) : low pass (ou high shelf)
High pass filter (ou low cut)
Low pass filter (ou high cut)

La pédale Torpedo CAB M et le plugin Wall of Sound embarquent plusieurs égaliseurs. Par défaut ils sont configurés avec les fréquences suivantes (centres des bandes) : 120Hz, 360Hz, 800Hz, 2000Hz, 6000Hz. Les solutions de Two-Notes sont également munies d’un égaliseur semi-paramétrique vous permettant de modifier le centre de ces bandes. Dans la version semi-paramétrique, l’égaliseur Two-Notes du CAB M dispose d’un filtre HPF.

Torpedo C.A.B. M+ : égalisation

Autre exemple, sur la pédale Mooer Radar, trois égaliseurs sont disponibles : 

  • Un pour la guitare, avec 5 bandes (centres modifiables), plus un HPF et un LPF
  • Un pour la basse avec 5 bandes également
  • Un égaliseur paramétrique : 4 bandes avec possibilité de modifier le facteur Q.
Egaliseur guitare Mooer Radar

Ces égaliseurs appliquent pour l’essentiel des corrections en cloche ou des HPF et LPF.

Sur le plugin Wall Of Sound, la bande la plus basse (120 Hz) et la fréquence la plus haute (6 kHZ) sont des filtres en plateau.

Les différents ajustements de gain avec les égaliseurs peuvent engendrer une baisse ou une hausse du volume global de sortie : on est donc souvent amené à ajuster le volume de sortie ou le volume du preset pour compenser et revenir au niveau de sortie souhaité…

Exemples d’ajustements (jeu solo)

J’essaye généralement d’éviter d’appliquer de trop nombreuses corrections avec les égaliseurs ou d’appliquer des corrections très trop fortes  (+/-5 dB et plus) : en lieu et place j’essaye de trouver et d’utiliser des IRs qui me procurent d’emblée la tonalité la plus proche du résultat souhaité, et ce pour une pédale, un ampli, ou un riff donné…. 

Note: l’application de trop nombreuses corrections d’égalisation me donne souvent des résultats déséquilibrés, sur lesquels j’ajoute de nouvelles corrections, pour au final aboutir à un résultat qui est moins bon ou moins équilibré que l’IR sans correction !!! 😉 Je vous invite néanmoins à réaliser vos propres expériences et à mettre à contribution l’égalisation pour tirer le meilleur parti de vos IRs ou enceintes virtuelles dans votre contexte.

Disposer d’une large collection d’IRs peut s’avérer très intéressant pour disposer de beaucoup de points de départs et d’options différentes, et ce d’autant plus pour celles et ceux qui ont la chance de pouvoir utiliser plusieurs guitares, amplis et pédales… : cela permet de choisir dans une large palette de sons et de rechercher les associations qui marchent le mieux dans votre contexte…. 

J’essaie donc plutôt de tirer parti des mes collections d’enceintes / IRs et d’appliquer des corrections basiques…. Ces corrections sont la plupart du temps les suivantes (hors maquette ou mix) : 

  • J’utilise la plupart du temps un HPF (60-80 Hz), parfois plus (au dela de 100 Hz pour les IRs très généreuses en basse, ou en tunings de guitare bas ).
  • Lorsque les IRs sont « neutres » ou « flat » , elles ont généralement une partie médium importante : j’essaye de creuser le son en premier lieu sur l’ampli ou la pédale de préamplificateur. Si malgré cela, le son reste trop chargé en medium, alors je commence à creuser sur l’égaliseur coté IR, en utilisant la bande 800 Hz en premier lieu (mais on peut bien entendu changer cette bande et tenter de creuser entre 400 Hz et 1100 Hz)
  • Sur mes propres IRs et plus particulièrement sur les IRs « génération 1 » avec les 6L6, elles sont généralement déjà (trop) creusées : a l’inverse, j’aurai tendance à augmenter la bande des 800 Hz pour ré-équilibrer et obtenir un son plus « plein »
  • Lorsque les basses sont trop prononcées -ou que le rendu au casque donnent des basses beaucoup trop présentes- et qu’abaisser les basses sur l’ampli ne donnent pas un bon résultat (baisse trop drastique), on peut abaisser les bandes 120 Hz et/ou 360 Hz pour regagner en clarté.
  • Pour les sons trop agressifs (trop de sifflement, fatigue,…) on peut activer un LPF ou baisser légèrement les bandes entre 2 et 6 kHz (2 kHz, 4 kHz, 6 kHz)
  • Inversement, en cas de manque punch et de relief on peut booster légèrement 2 et 4 kHz

Conclusion

Cet article a introduit les notions élémentaires d’égalisation et les techniques de base pour égaliser avec les IRs.

Un prochain article se penchera sur une approche alternative et complémentaire à l’égalisation : il s’agira de mixer plusieurs IRs pour obtenir les meilleurs sons et tonalités.